Petite histoire de la danse de bal – Le 17e siècle

Vous cherchez des informations fiables sur la danse de bal, mais sur le net vous trouvez tout et son contraire ?

Vous êtes submergé(e) de bribes d’information éparses, alors que vous voulez un aperçu global ?

Ici, je vous propose une synthèse de l’histoire de la danse sociale au cours du XVIIe siècle. Je vais poser les bases de ce que l’on sait de ces danses et vous ouvrir des pistes vers les auteurs incontournables de chaque époque.

Ceci est le premier article d’une série consacrée à l’histoire de la danse en général, époque par époque.

Attention, trois petites remarques avant d’attaquer le vif du sujet :

  • Cet article traite de la danse de société, c’est-à-dire les danses de bal pratiquées par les amateurs. Il n’est point question ici de parler de la danse de spectacle, de Lully ou de Molière ;
  • Cet article se concentre sur l’Europe occidentale (France et Grande-Bretagne en particulier). Son contenu peut ne pas valoir pour les autres pays ;
  • Ceci est un article général : j’ai omis volontairement des détails , pour privilégier une vision d’ensemble. Une bibliographie vous oriente ensuite vers d’autres sources fiables.

Maintenant que c’est dit, entrons dans la danse !

Danser à la cour de France

L’histoire de la danse de bal en France souffre d’un « trou » documentaire au XVIIe siècle. Grosso modo, on ne connaît que deux traités de danse français publiés entre 1589 et 1700 : l’anonyme Instruction pour bien dancer (vers 1610) l’Apologie de la danse de François de Lauze (1623).

Du coup, le chercheur doit faire des suppositions sur base des périodes précédente et suivante.

On sait pourtant que la danse est l’un des éléments constitutifs de l’éducation de la noblesse. Le roi Soleil, lui-même un danseur chevronné, crée l’Académie royale pour la danse en 1662.

Louis XIV dans le rôle d'Apollon. 
Henri de Gissey, Ballet de la nuit, 1653. Danse baroque.
Louis XIV dans le rôle d’Apollon.
Henri de Gissey, Ballet de la nuit, 1653.

Le bal français au XVIIe siècle

On sait mieux comment les bals se déroulaient. Tous s’inspiraient du fonctionnement du Grand bal, divertissement, ou plutôt cérémonie officielle de la cour de France.

Le bal s’ouvrait sur un bransle. A la différence du siècle précédent, le bransle du XVIIe siècle ne se danse plus en ronde mais en cortège. Le premier couple est le couple royal, suivi des princes de sang et des courtisans. C’est le roi qui décide de l’ordre de préséance.

Le bransle du XVIIe est une danse progressive. Dans le sens où le premier couple se retrouve dernier à un moment de la danse. Cette progression se répète jusqu’à ce que le couple meneur initial soit de retour en première position du rang.

Sous Louis XIV, une suite de 6 bransles ouvre le bal. Ils ne seront plus que deux en 1725. Cette danse tend donc à disparaître. Le bransle reste cependant prisé en province – de nombreuses variantes régionales sont attestées.

Abraham Bosse, Danse sur la place du village, 1633. Bransle en chaîne ou ronde - danse paysanne du 17e siècle
Abraham Bosse, Danse sur la place du village, 1633.
On voit ici un bransle en chaîne, encore pratiqué dans les régions rurales.

Ensuite vient la gavotte, toujours en cortège et selon le même ordre. La gavotte est également progressive.

C’est enfin le tour des danses à deux. C’est principalement la courante au début du règne de Louis XIV, et le menuet au tournant des XVIIe et XVIIIe siècle. Seul un couple danse à la fois, les autres le regardent.

Qui danse avec qui?

En premier lieu, le roi danse avec la reine (ou la dame de rang le plus élevé). Ensuite, le roi va s’asseoir et la reine danse avec le courtisan au rang le plus élevé – selon l’ordre établi pour les danses précédentes. Le courtisan invite ensuite la deuxième dame en termes de préséance, etc. Chacun danse donc deux fois, avec deux partenaires différents.

Louis XIII dansant au Louvre avec Anne d'Autriche. Bal baroque, menuet, courante, chaconne, passacaille gigue
Louis XIII dansant au Louvre avec Anne d’Autriche. Source.

Le ballet de cour

Notons enfin l’apogée du « ballet de cour ». Ce spectacle mêlant danse, poésie et musique met en scène le roi, ses courtisans, et quelques danseurs professionnels dans une suite d’entrées (tableaux).

Ce divertissement existe aussi en Angleterre sous le nom de « masque ».

A l’époque, il n’y a pas de frontière dure entre la danse de bal et la danse de spectacle. Les échanges, emprunts entre les deux disciplines sont fréquents, et il est parfois difficile de distinguer une chorégraphie de danse à deux de bal, d’une entrée pour deux danseurs. La façon dont on danse en bal (un seul couple, sous le regard de l’assemblée, face à la Présence) ne se distingue pas vraiment de la façon de danser sur scène, face au public.

Danser en Angleterre au XVIIe siècle

Dès la fin du XVIe siècle, un nouveau style de danse s’est développé en Angleterre : la country dance. La country dance est un type de danse où la figure (le déplacement des danseurs) a plus d’importance que le pas.

Bal de danse au 17e siècle. Contredanse, pavane, bransle, gavotte, country dance, procession, cortège
Hieronymus Francken le Jeune, [Bal], 1607.

Les origines

Il existe deux hypothèses sur l’origine des country dances.

La première veut que les country dances soient originaires d’Italie. En effet, certaines danses italiennes du XVIe siècle ont peu de pas différents, et des figures similaires à celles de la country dance (le set and turn, par exemple). Ce type de danses serait arrivé en Angleterre via la noblesse, avant de se répandre dans les campagnes.

Une autre hypothèse rapproche les country dances des Old Measures. Ces danses solennelles, exécutées lors de cérémonies et fêtes, sont attestées entre 1570 et 1675 environ. Ce sont toutes des danses en procession for many as will. Le vocabulaire utilisé pour décrire les Old Measures est identique à celui utilisé pour décrire les country dances. Certains enchaînements de pas se retrouvent dans les deux styles de danses.

Les formes de la country dance au XVIIe siècle

Au XVIIe siècle, la country dance est très versatile. Elle nécessite au minimum deux couples. Il existe aussi des danses pour trois, ou quatre couples. Et même des danses for many as will (pour autant qu’on veut).

Les formes des country dances sont aussi très variées : carré pour deux ou quatre couples, rondes, colonnes, et même en file.

Au fil du temps, seul le longways for many as will, contredanse en colonne, subsistera. Le longways va connaître un succès fulgurant en Europe au cours du XVIIIe siècle.

Les sources

S’il ne fallait retenir qu’un auteur de contredanses au XVIIe siècle, ce serait John Playford. Il est le premier à avoir édité des descriptions de country dances, dans « The English Dancing Master ».

Ce petit livre, imprimé en 1651, contient les instructions pour 105 danses. L’œuvre sera augmentée, enrichie, corrigée par John, son fils Henry, puis son successeur John Young. On compte un total de 17 éditions, entre 1651 et 1728. Ces livres sont précieux pour observer l’évolution des modes chorégraphiques.

Frontispice de la première édition de John Playford, The English Dancing Master, Londres, 1651. Contredanse, country dance, danse, bal, couple
Frontispice de la première édition de John Playford, The English Dancing Master, Londres, 1651.

Ce qu’on sait moins, c’est que Playford n’est pas la seule source pour la country dance du XVIIe siècle. Il existe une dizaine de manuscrits contenant des descriptions. Entre autres :

  • Le manuscrit dit « Lovelace » ou « Pattricke » (MS Eng 1356) : 32 danses, décrites entre 1621 et 1649 ;
  • Le manuscrit Ward (GVI763.S73 1650) : 17 danses, après 1660.

Ces autres sources nuancent et enrichissent les descriptions du Dancing Master. Vous trouverez un exemple pratique des variations entre ces trois sources dans mon article sur A Health to Betty.

La traversée de la Manche

Il y a de nombreux échanges musicaux entre la France et l’Angleterre. Les musiciens et les danseurs professionnels sont alors très mobiles, passant d’une cour à l’autre et faisant voyager les usages et les modes.

L’arrivée en France de la country dance est un cas bien documenté.

Le vendredi 27 octobre 1684, Isaac d’Orleans, maître à danser anglais, enseigne à la cour du roi Soleil quelques danses de son pays. Le roi et ses courtisans s’enthousiasment pour ces danses, plus conviviales que la Belle danse.

André Lorin, académicien pour la danse, se rend alors en Angleterre afin de recueillir d’autres danses, qui pourraient plaire à Louis XIV. Il publie son Recueil de contredances présenté au Roy vers 1685.

Il invente un système de notation, qu’il utilise dans son recueil de contredanses en 1686. Cette invention inspirera les notations Feuillet et Beauchamp au siècle suivant (nous en reparlerons !).

André Lorin, Livre de la contredance du Roy  - danser à la cour du roi soleil, contredanse française, en colonne
André Lorin, Livre de la contredance du Roy (…), s.l., 1688, p.37.

Quand il revient de la perfide Albion, André Lorin se lamente, car les Anglais s’embarrassent peu des pas de danse. D’après lui, chaque Anglais fait le pas qui lui chante, sans se soucier du mouvement de son voisin. Alors Lorin décide d’imposer des pas:

Mais pour les rendre plus parfaites [les contredanses] j’ay cru estre obligé d’y régler un certain pas, que je fais régner presque dans toutes les figures de chaque contredance, […] parce qu’on évite par ce moyen beaucoup de pas et de mouvemens differens faits dans le même temps lesquels ne s’accommodent pas avec la manière françoise lorsqu’il faut dancer plusieurs ensemble, par exemple que l’on ne saute pas ou capriole, pendant que l’autre fait un chassé ou un couppé.

André Lorin, Livre de la contredance du roy (…) retranscrit pour Louis XV, 1721, p.31.

… et ainsi commence l’histoire de la contredanse « à la française »!

Mais ceci, amis lecteurs, amies lectrices, est la petite histoire d’un autre jour, d’un autre siècle.

Pour aller plus loin – bibliographie sélective

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