Les danses en cercle

« Sur le pont d’Avignon, on y danse tous en rond »

Anonyme, XVe siècle

Partout dans le monde, et de tout temps, les peuples ont dansé en cercle. Le rond symbolise l’égalité. Symbole très simple à percevoir, puisqu’il ne peut pas y avoir de préséance dans un cercle de danseurs.

Le même principe s’applique aux chevaliers de la table ronde, par exemple. Même si, avouons-le, Arthur et Lancelot ont quand même un peu mieux tiré leur épingle du jeu que Bohort et Agravain…

La danse en cercle est une forme très commune dans les danses traditionnelles d’Europe et d’ailleurs.

Dans cet article, je vous propose de découvrir les différents types de danses en cercle. Je vous donnerai aussi quelques astuces pour bien danser et s’intégrer dans la danse.

Remarque importante : cet article se concentre sur l’Europe. Je ne parlerai pas des danses des autres continents, tout simplement parce que je ne les connais pas, ou très mal. Les danses en cercles existent évidemment aussi en-dehors de l’Europe.

Baldassare Peruzzi, Danse d’Apollon et les muses, XVIe siècle. Source.
Avez-vous repéré Clio et Terpsichore, respectivement Muses de l’Hitoire et de la Danse?

Ronde simple

La ronde est la forme de danse collective la plus ancienne qui nous soit parvenue.

C’est la forme des branles, décrit par Thoinot Arbeau à la fin du XVIe siècle. Il est communément admis que les branles ont évolué au cours du temps et sont devenus les danses en cercle d’Europe, de la farandole provençale au kolo serbe, en passant par l’hanter dro breton.

Chaque individu, face au centre, danse la même chose que ses voisins, en les tenant par la main.

Dans ces danses individuelles, au sens où chacun danse la même chose, l’appartenance au groupe a une importance capitale. L’esprit de communauté s’y exprime pleinement ; le danseur peut sentir qu’il fait partie de quelque chose de plus grand que lui.

Le saviez-vous ?

Souvent, on se demande dans quel sens tourner.

La réponse est simple : d’où vient la danse ? Le Danube est en effet une frontière importante dans les danses traditionnelles d’Europe.

La majorité des danses originaires de l’Ouest du Danube tournent dans le sens des aiguilles de la montre (vers la gauche) : Sardane catalane, An dro breton, Cramignon wallon, Bransle d’Ecosse de la Renaissance…

A l’Est du Danube, les danses tournent dans le sens contraire des aiguilles de la montre : Hora roumaine, Oro bulgare, Zonaradiko grec, Horon turc…

Les danses hongroises elles-mêmes sont réparties en Dunantul (Transdanubie, à l’Ouest du fleuve) et Transdunantul… La csardas y tourne dans deux sens différents !

Danse traditionnelle néérlandaise. Photo de ctvgs via Pixabay.

Quelques astuces quand on danse en rond

Maintenant que nous savons dans quel sens tourner, je vous donne quelques astuces pour éviter des problèmes courants dans les danses en rond.

  • Le cercle est ovale ou déformé : Afin que le cercle reste bien rond, assurez-vous de passer exactement là où le danseur qui vous précède est passé. Ainsi, le cercle ne se déformera pas.
  • Se joindre au cercle : pour rejoindre une ronde qui s’est déjà formée, préférez toujours l’endroit où les danseurs sont le plus écartés. Vous serez sûrs d’avoir suffisamment de place pour danser, et de ne pas gêner vos voisins. Si le cercle est ouvert, ajoutez-vous en fin de chaine.
  • Les danseurs sont trop serrés ou trop espacés : Vous sentez que vos bras sont trop écartés ? Rapprochez-vous du centre. Trop serrés? Eloignez-vous du centre.

Les bras

Bras en V : les bras le long du corps, légèrement écartés, mains jointes avec les voisins. Votre bras et celui de votre voisin forment un « V ». C’est la position habituelle pour les bransles de la Renaissance (XVIe siècle) notamment.

Bras en W : comme la position en V, mais avec les mains levées à hauteur des épaules. Votre bras et celui de votre voisin forment un « W ». C’est la position habituelle de beaucoup de danses roumaines, entre autres.

Selon les lieux, on peut aussi se tenir :

  • par la ceinture (par exemple en Serbie) ;
  • par les petits doigts (en Bretagne notamment) ;
  • aux épaules (certaines danses de Grèce) ;
  • les bras entrecroisés, devant ou derrière (Bulgarie) …

Les possibilités sont infinies ! Vous connaissez sûrement encore d’autres positions de bras.

Astuce pour les bras !

Pour votre propre confort, faites attention à être bien aligné sur le cercle. Autrement, vous attraperez rapidement des crampes et des douleurs. 

Pour assurer le confort de tous, il faut que chacun porte ses propres bras. Rien de pire que de devoir supporter un danseur littéralement affalé sur vos bras. Ne laissez vos bras peser sur ceux de vos voisins.

Enfin, restez détendu et ne vous crispez pas.

Evitez de serrer trop fort les mains des autres danseurs.

Si vous avez du mal à suivre les mouvements des bras et des pieds en même temps, laissez aller vos bras, sans les bloquer, et concentrez-vous sur vos pieds. Vos voisins s’occuperont de vos bras, et cela ne leur fera pas mal si vous gardez les bras relâchés.

La main au-dessus ou en-dessous ? Le paradoxe Haddock

Souvent, quand on débute (et parfois même par la suite), on hésite sur la façon de se donner la main. Aujourd’hui, en exclusivité, la solution miracle pour éviter ce moment gênant où l’on cherche la façon la plus confortable de se donner la main.

« Soutenir le précédent et s’appuyer sur le suivant. »

Donc, quand le cercle tourne vers la gauche (c’est-à-dire, dans les danses d’Europe de l’Ouest), nous donnerons la main gauche par en-dessous, pour soutenir le danseur qui nous précède, et la main droite par-dessus, pour se reposer (légèrement !) sur le danseur qui nous suit.

Et bien sûr, nous ferons l’inverse pour les danses qui progressent vers la droite. Et voilà, le tour est joué !

Danse traditionnelle allemande (Forêt Noire), vers 1915. Source.

Cercle de couples

On peut aussi danser en couple sur le cercle. Dans les cercles de couples, on alterne danseurs et danseuses tout autour du cercle. La danseuse est en général à droite de son cavalier.

On trouve ce genre de formation dans les danses historiques (Brando di Cales, Italie, XVe s.) et dans les danses traditionnelles (Li danse Di Dj’va, Belgique, Maraîchine – Vendée).

Le nombre de couples peut être limité (Fine Companion, Angleterre, XVIIe s. – danse pour 4 couples) ou pas (Pepper Black, Angleterre, XVIIe s.).

D’après mes observations, ce genre ne ne tourne ni dans un sens ni dans l’autre. Dans tous les exemples que je rencontre, les mouvements sont symétriques. Du coup, le cercle ne tourne pas.

Rayons du cercle

Il est également possible de disposer les couples sur les rayons du cercle. En général, le cavalier se place près du centre. Et en général également, le cercle tourne dansle sens contraire des aiguilles de la montre.

Notez que peu de danses historiques sont décrites dans cette position, mais beaucoup sont pratiquées ainsi en bal de nos jours : cela évite aux couples (qui, normalement, évoluent librement dans la pièce), de se percuter pendant la danse. Par exemple : Le pas des aviateurs (1911).

Cette position « en rayon » est courante dans les danses traditionnelles et folk : Gay Gordon (dit aussi gigue, chapelloise, Aleman’s Marsj, etc…), La Benjamine (Belgique), Kas ha Bar (Bretagne)…

Certaines danses alternent la position « cercle » avec la position « en rayon ». C’est par exemple le cas du cercle circassien. La première partie de la danse de déroule en cercle (avancer vers le centre et reculer), et dans l’autre partie, les couples sont sur les rayons du cercle (promenade).

En cortège ou sur les rayons du cercle ?

Attention à ne pas confondre danse en procession et danse sur les rayons du cercle. Une danse en procession (ou en cortège) est constituée de couples qui se suivent (en rang par deux). Par exemple, la Dérobée de Guingamps (Bretagne), la pavane de la Renaissance.

La différence est que le groupe de danseur de déplace d’un point à un autre. Arbeau dit d’ailleurs que les musiciens sonnent un air de pavane pour mener la mariée à l’église.

Aujourd’hui, les danses en processions sont souvent dansées en intérieur. La tête du cortège rejoint sa queue et il est difficile de faire la différence entre une danse en cortège et une danse sur les rayons du cercle.

Abraham Schelhas, Augsburger Geschlechtertanz, vers 1600.
Difficile d’affirmer s’il s’agit d’une danse en cortège ou en rond!

Cercle sicilien ou double cercle

De nombreuses danses du milieu du XIXe siècle sont en « double cercle ». La danse la plus connue utilisant ce processus est le cercle sicilien ou sicilian circle, c’est pourquoi ce nom est aussi utilisé pour cette formation.

Chaque couple fait face à un autre couple, et ces groupes de quatre danseurs forment un cercle. Chaque danseur a un danseur derrière lui. A la fin d’une reprise de la danse, les couples progressent d’une place en avant, et se retrouvent en face d’un nouveau couple, pour recommencer la danse.

Remarquez qu’il n’y a pas de changement de rôle (couple actif / passif) quand on danse de cette façon.

Quelques exemples de danses : Soldier’s Joy (milieu XIXe s.), Spanish dance (milieu XIXe s.)…

Pour les maîtres à danser, sachez que tous les longway duple minor set peuvent être transformés en cercle sicilien. Cela ne fait pas vraiment gagner de place, mais cela rend la danse plus simple, car les couples ne changent pas de rôle.

Sachez aussi que des danses en triple cercle existent. Des lignes de trois danseurs se font face sur les rayons du cercle, comme dans Dashing White Sergeant (Ecosse), Rustic Reel (milieu XIXe s.), etc.

Schéma du double cercle, selon Elias Howe, Howe’s Drawing Room Dances, Boston, 1859.

Mixer

Le mot Mixer désigne une danse, souvent en cercle, dans laquelle on change de partenaire.

Cela permet, comme le nom l’indique, de « mélanger » les danseurs. Ce sont des danses très utiles pour briser la glace lors d’un bal.

L’expression Mixer indique simplement que l’on va changer de partenaire. Le mixer peut donc adopter une formation en cercle, en rayon ou même en cercle sicilien.

Dans ce sens, les cotillons du XIXe siècle sont des sortes de mixers. Le Round Two-step (1903) et le Paul Jones (entre 1890 et 1914) sont des exemples typiques en mixers en rond.

On le trouve aussi dans les danses traditionnelles : La Bastringue au Québec, par exemple. Yellow Cat’s Jig, une création de Jim Gregory, 1982. Et bien sûr le cercle circassien folk – à ne pas confondre avec le cercle circassien du 19e siècle, qui est un cercle sicilien (eh oui !).

Conclusion

Voilà qui clôture notre tour d’horizon des différentes façons de danse en cercle. Des rondes simples formées de danseurs individuels, aux cercles siciliens aux figures complexes, c’est toute l’histoire de la danse de société que l’on aborde.

Voici dans les grandes lignes, un essai de classement des danses en cercle:

  • Danses en ronde simple: du Moyen Âge au XVIIe siècle, puis dans le répertoire traditionnel
  • Danses en couples sur le cercle: contredanses du XVIIe siècle, puis dans le répertoire traditionnel
  • Danses sur les rayons du cercle: de fait pour les « petites danses » du XIXe siècle
  • Danses en procession: du Moyen Âge au XVIIe siècle, puis dans le répertoire traditionnel
  • Cercles siciliens: depuis le XIXe siècle
  • Mixers: de tout temps, certaines danses ont permis de changer de partenaires

Meric de votre lecture! Si vous avez d’autre astuces ou information, laissez-moi un commentaire, je le lirai avec plaisir.

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