La bougie de Noël, contredanse française
Une contredanse parfaitement nommée, La bougie de Noël, pour ce calendrier de l’Avent.
Son auteur : Denis Pierre Jean Papillon de la Ferté, qui a fait le bon choix en se faisant appeler plus simplement, « Papillon ». Papillon est né en 1727 dans la Marne. En 1756, il achète la charge d’intendant des Menus-Plaisirs de la maison du roi. Il est donc responsable de l’organisation des cérémonies et spectacles à la cour. Il jouit ainsi d’une importante influence à l’Opéra.
Lors de la Révolution, il joue le jeu, prêtant le serment civique, faisant don de son argenterie, se faisant élire… mais il finit tout de même sur l’échafaud en 1792. Avant cela, il a eu le temps de publier plusieurs livres, et la contredanse qui nous intéresse:
Cette contredanse n’est pas publiée au sein d’une série connue (comme celle de De La Cuisse, Landrin ou Bouin). On l’a retrouvée dans un recueil factice – une série de feuilles volantes reliées ensemble après leur publication.
[Mise à jour du 3 décembre 2024: Concernant l’identification de l’auteur, voir le commentaire de Naïk Raviart en bas de cette page. Un Papillon peut en cacher un autre!]
Petit extrait musical pour se mettre dans l’ambiance:
Description
J’ai conservé la graphie originale du texte.
1-4 Tous les huit un tour sur place comme aux Madelonnettes*
5-8 Ils avancent d’une place à droite et rigaudon
9-16 Comme aux mouvements précédents
17-20 Quatre balancent et rigaudon
21-24 Les mêmes font une demi-queue de chat
25-32 La même chose pour les 4 autres
33-36 Chassé-croisé tous les 8 et rigaudon
37-40 Déchassé et rigaudon
41-44 Les quatre Dames font un demi-tour de moulinet
45-48 Les quatre messieurs de même
49-52 La poussette tous les huit sur les Dames et en arrière
53-56 Une demi-chaine anglaise sur les côtés
57-64 Continuation des deux mouvements précédents, ce qui remet tout le monde à sa place
*Dans les Madelonnettes, « Un Monsieur tenant sa dame fait un tour sur place »
Une dernier mot
Comme vous le constatez, il n’y a pas de mouvement qui évoque une bougie, ni Noël. La référence à une autre contredanse, Les Madelonnettes, pourrait nous aider à dater la contredanse. Malheureusement, à ma connaissance, on n’a pas retrouvé la publication originale des Madelonnettes. La mention de « Blaizot, libraire de la Reine » s’avère plus utile. En effet, Pierre Blaizot (1742 – 1808) ouvre une libraire à Versailles en 1770. Il est nommé « libraire-géographe » par brevet signé de la Reine en 1777.
Gardons une fourchette de publication entre 1777 (lorsque Blaizot devient libraire de la reine) et 1789 (pour des raison évidentes).
Voilà, c’était une contredanse hivernale de la seconde moitié 18ème siècle, pour apporter un peu de variété dans un calendrier de l’Avent qui sera très centré sur le 19ème siècle.
N’oubliez pas de consulter les autres cases du calendrier! Pensez à vous abonner pour recevoir les cases 13 à 24 du calendrier, elles ne seront pas publiées sur le blog.
Sources:
- Papillon, La bougie de Noël, Chez Mr Blaizot, libraire de la Reine in BnF, AS, 8-RO-9918.
- Landrin, 3ème Pot-pourri François (…) tel qu’il se danse chez la Reine, Landrin, Paris, après 1774.
- « Pierre Blaizot », dans la base biographique du Centre de recherches du château de Versailles.
3 commentaires
Yves Schairsée
Hello. Y a-t-il les dessins des mouvements dans la publication de l’époque ? bàt,
webmaster
Bonjour.
J’aurais dû préciser: non, il n’y a pas de schéma des figures.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7051543k/f1.item
Naïk
Bonjour,
Ce recueil factice était naguère conservé à la bibliothèque de l’Arsenal sous la cote Ars RO 9918 ; Je vois qu’il est désormais référencé Bnf – donc désormais consultable là et non plus à l’Arsenal – mais en gardant trace des lettres et chiffres anciens. Merci pour la réactualisation.
Il se trouve que je m’inscris en faux sur l’identification de l’auteur de la contredanse. On ne la doit en effet pas à l’intendant des Menus Plaisirs qu’est Denis Pierre Jean Papillon de La Ferté, mais à un Maître à Danser, inscrit, semble-t-il, dans une lignée de maîtres. L’un d’entre eux – est-ce déjà « notre » Papillon ? -, note manuscritement diverses danses dont Les Iffes « dancé par le roy au Mariage de mr le dauphin », en 1745. Bien avant, donc, que Papillon de La Ferté ne devienne intendant. Le recueil fait état d’un « ex libris Papillon minoris » et s’accompagne de la mention « Maître de danse à Versailles ». (Si cet ex libris était de Papillon de La Ferté, imagine-ton sérieusement que celui ci aurait fait preuve d’une incompréhensible humilité en se cachant sous le pauvre et simple patronyme « Papillon » ?) Le même Papillon – ou son fils, ou son frère – est ensuite l’auteur de diverses contredanses publiées sur feuilles volantes, allant jusqu’à préciser sur certaines qu’il est « Maître de danse en Exercice au Collège de Pontlevoy » ou variant sa formulation « Mtre d’Exercice pour la Danse au Colêge de Pont-le voi » . Il intitulera d’ailleurs une de ses contredanses La Pontlevoy. Divers correspondants, dont Cournon de La Chapelle, tiendront en assez grande estime ce « Maître De Danse » domicilié « rue St Médéric à Versailles » pour solliciter de lui des « réflexions juste et sages » sur leurs propres travaux
Quant à Papillon de la Ferté, pourquoi n’aurait-il pas, lui aussi, chiffonné quelque contredanse ? Why not, en effet, qui ne l’a fait ? Mais, outre qu’il aurait alors ou signé de son nom complet ou désiré préserver son incognito, comme beaucoup le font, par un « Par Mr P – ou F -, amateur », il est nécessaire de réaliser combien le titre « Intendant des Menus Plaisirs » est trompeur à nos oreilles modernes qui l’accolent à de charmantes réalités. Être « Intendant des Menus Plaisirs » , c’est se coltiner des problèmes de salles, de fric à soutirer au roi ou aux grands, d’organisation matérielle, de recettes et dépenses, de contrôle des trésoriers généraux, de costumes à fournir, de réprimandes à distribuer, etc. Se plonger dans la lecture – très intéressante – de son journal est à ce titre bien éclairante. Rien que des corvées loin de la musique, de ses charmes, de ses partitions, et surtout loin de quelques partitions anciennes précises, cf Les Iffes, devenues obsolètes, oubliées de tous, car hors mode (et là, c’est la notice erronée du département musique de la Bnf, à propos des Iffes, que je vise. J’ai naguère convaincu François Gasnault, Conservateur du Patrimoine et ex Directeur des Archives de Paris, de la pertinence de mes identifications, j’espère maintenant qu’il va à son tour en convaincre Mathias Auclair, directeur du département Musique de la Bnf). Le voilà rattaché en 1776 et 1780 à l’Opéra ? Euréka, mais c’est bien sûr, le voilà son lien à la musique ! Voilà qui explique qu’il ait commis quelques pièces ! Sauf que non, cette charge est encore plus lourdement, bien plus exclusivement de l’administration. Ça l’engloutit, ça le bouffe, notre Denis Pierre Jean Papillon de La Ferté si j’en crois l’intéressante étude d’Adolphe Jullien Un potentat musical, Papillon de La Ferté : son règne à l’Opéra, de 1780 à 1790.
Voilà donc rendu au modeste Papillon maître de danse à Pontlevoy ce qui n’appartient pas au noble Denis Pierre Jean Papillon de La Ferté. Comme le dit Supervielle « Suffit d’une bougie Pour éclairer le monde
Autour duquel ta vie Fait sourdement sa ronde. »
Alors, merci Sandra !