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La Westendaise, danse nouvelle, par J. Quesnel

Aujourd’hui, je vous emmène à la plage avec la danse « La Westendaise ». Westende est une ville de la côte belge – tout près d’Ostende, qui a donné son nom à la célèbre Ostendaise de Kevers.

Une fois n’est pas coutume, ce sera également l’occasion de mettre en lumière trois femmes : une chorégraphe, une compositrice et une éditrice.

La chorégraphe : Juliette Quesnel

La partition de La Westendaise est signée « J. Quesnel, professeur de danse à Bruxelles ». Le catalogue de la Bibliothèque Royale de Belgique indiquait comme autre « Jacques Quesnel ». Et naïvement, je l’ai cru. Sauf que… Aucune trace d’un Jacques Quesnel dans la capitale belge au tournant du XXème siècle !

La Westendaise. Danse nouvelle J. Quesnel, T. Valdury partition avec théorie
J. Quesnel (théorie), T. Valdury (musique), La Westendaise. Danse nouvelle, Chez Mme G. Beyer – successeur de V. Gevaert, Gand, s.d.

Par contre, le nom de Juliette Quesnel apparaissait régulièrement. J’ai donc débuté mes recherches de façon héroïque, en faisant corriger le catalogue de la bibliothèque. Celui-ci indique maintenant toutes les informations correctes. Ce n’est pas la première fois que l’on constate des approximations dans ces catalogues (cf. La bougie de Noël), alors soyez vigilants dans vos recherches !

Juliette Quesnel, donc, naît à Bruxelles en 1868. La danse ne semble pas une voie toute tracée pour Juliette. A l’âge de 22 ans, elle reprend un magasin de lingerie à Bruxelles (Le Soir, 16 octobre 1890, éd.1, p.3).

A partir de 1894, elle ouvre un cours de danse sur la chaussée d’Ixelles, toujours à Bruxelles (Le Soir, 3 octobre 1894, éd.1, p.3). Les cours à Bruxelles se poursuivent dans divers locaux – les précédents étant apparemment devenue trop étroits. Entre 1899 et 1904, Juliette organise plusieurs bals et Carnavals (Carnavaux ?) d’enfants dans sa ville natale (e.a. L’indépendance belge, 1er février 1903, éd.1, p.2).

A l’été 1895, elle assure les cours de danse et les soirées au Kursaal de Middelkerke, sur la côte belge.  Il semble qu’elle y soit en résidence tous les étés jusqu’en 1900 au moins.

Vers 1904, Juliette épouse Marcel Raymond, fils d’un luthier liégeois, et prend son nom. Elle continue à assurer ses cours de danse au moins jusqu’en 1908. Après cela, on perd sa trace.

La compositrice : Valentine Bruneel-Dutry

Le site The LiederNet Archive fait naître Valentine en 1867. Elle épouse donc l’industriel gantois Ernest Dutry en 1876, à l’âge de … 9 ans. C’est donc soit moralement discutable, soit factuellement faux.

Annonce de mariage entre Ernest Dutry-Colson et Valentine Bruneel, 1876, Archives de l'université de Gand.
Annonce de mariage entre Ernest Dutry-Colson et Valentine Bruneel, 1876, Archives de l’université de Gand.

Le site GeneaNet propose lui, les dates de 1855-1944 pour Valentine Bruneel, ce qui est bien plus raisonnable (mariage à 21 ans). La date de naissance en 1855 est également corroborée par l’édition du Bien Public du 21 juin 1876 :

Annonce des mariages du 20 juin 1876 à Gand, Belgique
« Mariages », Bien Public, 21 juin 1876, éd.1, p.3.

On sait peu de choses de la vie de Valentine, si ce n’est qu’elle poursuit une carrière modeste comme compositrice, sous le pseudonyme de T. Valdury. Pseudonyme évident de Val. Dutry.

Je suppose que le choix d’un pseudonyme devait la protéger en cas d’échec de ses premières œuvres. Ou bien, protéger son notable de mari d’un éventuel scandale. Très vite, il semble pourtant que son identité est de notoriété publique.

L’heure de gloire de Valentine a lieu en 1913, à l’occasion de l’exposition universelle de Gand. A cette occasion, le Palais des Travaux féminins, réservé aux femmes musiciennes, compositrices ou interprètes joue plusieurs fois les œuvre de T. Valdury (Vaderland, « Wereldtentoonstelling van Gent 1913. In het vrouwenpaleis », 17 juillet 1913, p.3, et La musique au Palais des Travaux féminins, in: Les Fêtes musicales à l’Exposition Universelle de Gand 1913, Gent, 1913, p. 33, cité par le Studie centrum Vlaamse Muziek) .

Outre La Westendaise, on lui connaît quelques chansons:

  • A une fiancée (texte : Victor Hugo)
  • Le puits (texte : Robert de Smet)
  • Pierrot (texte : Robert de Smet)
Partition: Robert de Smet (poésie), T. Valdury (musique), Pierrot, Breitkopf & Härtel, Bruxelles, s.d.
Robert de Smet (poésie), T. Valdury (musique), Pierrot, Breitkopf & Härtel, Bruxelles, s.d.

L’éditrice : Mme G. Beyer

Zénaïde Ronse, originaire de Furnes, épouse en 1882 Gustave Beyer (1845 – 1912), violoniste et compositeur gantois. Elle reprend vers 1890 la fabrique de piano et l’édition de musique créée par Vitus Gevaert en 1846. Zénaïde, sous le nom de Mme G. Beyer, poursuit cette activité jusqu’en 1915.

La danse

Lien avec L’Ostendaise

Lorsque j’ai trouvé la partition de La Westendaise, je me suis immédiatement demandée s’il y avait un lien avec L’Ostendaise. Cette célèbre danse fut composée vers 1860 par Edouard Kevers (Voir l’excellent article du blog Maitre à danser). Edouard fut longtemps le directeur des bal du Casino d’Ostende, ce qui explique le choix du titre.

C’est finalement le même ordre d’idée qui doit avoir conduit Juliette Quesnel, directrice des bals de Middelkerke, à nommer sa propre danse La Westendaise. Clairement, « La Middelkerkoise », cela ne sonnait pas aussi bien.

Incidemment, Middelkerke (littéralement, « l’église du milieu ») se trouve entre Ostende (littéralement, « l’extrémité Est ») et Westende (littéralement, « l’extrémité Ouest »). Les trois villages se trouvent sur une île, Terstreep, aujourd’hui disparue.

L’illustration et la datation

Avant d’évoquer la chorégraphie, un mot sur la gravure qui illustre la partition. Cette illustration a eu une longévité bien plus importante que la danse elle-même.

J. Quesnel (théorie), T. Valdury (musique), La Westendaise. Danse nouvelle, Chez Mme G. Beyer – successeur de V. Gevaert, Gand, s.d. – Détail de la couverture

On doit le dessin original à Jean Gouweloos (1868-1943), un peintre belge connu pour ses peintures de baigneurs sur la côte belge. On y voit d’ailleurs une jeune femme pieds nus, en costume traditionnel, allongée dans l’herbe et observant la digue. Au loin, on aperçoit un bâtiment caractéristique avec deux tours surmontées d’un « bulbe » : c’est très certainement le « Westend Hotel ».

Le « Westend Hôtel », cartel postale ancienne, 1878.

Le dessin est lithographié par J. E. Goossens en 1897, donc il date d’avant cela. Le dessin est reproduit de nombreuses fois, que ce soit sur la partition de La Westendaise ou sur des affiches, des cartes postales, des couvertures de revue. On en retrouve même une copie à la bibliothèque municipale de Lyon.

Cela ferait-il remonter la publication de La Westendaise à 1897 ?

J’en doute. Deux entrefilets, publiés en 1907, annoncent que La Westendaise, danse nouvelle, de T. Valdury, arrangée par V. Stévens (oui, avec un accent – non, aucun rapport avec moi-même) sera jouée le 13 avril (à Liège – « Kiosque d’Avroy » dans La Meuse, 13 avril 1907, éd. 1, p. 3 ) et le 2 juin (à Anvers – « Société royale de zoologie », dans Le Matin, 2 juin 1907, éd. 1, p.2 ). Cela me pousse à dater la danse de 1907.

Après ces deux articles, La Westendaise tombe complètement dans l’oubli. Jusqu’à aujourd’hui, du moins!

Reconstruction

Position : « Les couples sont placés l’un à côté de l’autre se donnent la main comme pour le pas de quatre ; dames et cavaliers partent du pied droit »

A                     1                      Glisser pied D à D (1), poser G à côté du D  (3)

                        2                      Glisser D à D (1), pointer G à côté du talon D (3)

                        3-4                  Idem 1-2 à G

                        5-7                  3 « pas de basque » en avant, finir face-à-face*

                        8                      Salut et révérence

B                     1-4                  Md à Md, 4 boston en tournant

                        5-8                  Mg à Mg, 4 boston en tournant, finir face à face

                        9-10                2 glissés à D, « très allongés »

                        11-12              idem à G

                        13-16              Pos. danse moderne, mazurka en tournant (changemet de pied homme !)

Alterner les figures A et B jusqu’au final. Final : reprendre A1-4, puis boston en tournant jusqu’à la fin. « Sur le dernier accord, révérence de la dame, salut et baise-main du cavalier. »

*Poser D à D, croiser G devant, poser le D juste derrière le G – le tout trois fois.

Pour finir en beauté, voici un petit extrait sonore de La Westendaise:

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